sábado, 20 de junio de 2009

Le fils du Chah craint une «fuite en avant du régime»

Figaro
Propos recueillis à Washington par Laure Mandeville
Thursday, June 18th, 2009

ENTRETIEN - Exilé depuis la chute du régime monarchique en 1979, Reza Pahlavi estime que l'«heure de vérité» a sonné.

LE FIGARO. - Dans un livre avec le journaliste Michel Taubmann (Iran, l'heure du choix), vous annonciez un mouvement radical de la société iranienne. Nous y sommes ?
Reza PAHLAVI. - C'est l'heure de vérité. Derrière la mobilisation en faveur de Moussavi, se profile un référendum contre le régime. La situation est quasi révolutionnaire. Le pays se révolte. J'ai toujours pensé que ça arriverait. Mes concitoyens réclament leurs droits bien au-delà de ce que le régime leur accorde.

Qu'est-ce qui fait tenir ce régime ?
La répression, bien sûr. Mais le régime est de plus en plus fragmenté. Khamenei est face à un dilemme : s'il cède, il perd la face et donne l'avantage aux Iraniens. S'il réprime, il perd toute légitimité.

Dans tout face-à-face révolutionnaire entre un pouvoir et une société civile vient un moment où le rôle des forces de sécurité devient capital. Vous expliquez dans votre livre que ces forces ne sont pas monolithiques
Je m'efforce, à travers mes contacts, de parler aux forces de l'ordre, pour les exhorter à ne pas employer la force. Elles sont divisées. Même parmi les pasdarans et les bassidjis, beaucoup sont mécontents. De leur niveau de vie, de leur situation. Il y a aussi une question de conscience. Ils finiront par s'interroger sur leur rôle. Dans ce type de situation, soit ils restent neutres, soit ils prennent le parti de la population et refusent l'ordre de répression.

Le scénario de la répression violente reste aussi une hypothèse. Certains experts évoquent un scénario bonapartiste, poussé par Ahmadinejad avec une partie de l'armée, qui menacerait le pouvoir d'un Khamenei affaibli.
Un Tian'anmen iranien reste une hypothèse. La menace d'une faction organisant une nouvelle forme de dictature, conjuguant éléments religieux et militaires, contre Khamenei n'est pas à exclure. La dictature en Iran est complexe, elle s'exerce par un amalgame de forces qui se réclament d'un intérêt commun. Nous craignons que le régime ne choisisse la fuite en avant jusqu'à la proclamation de la loi martiale pour mener une répression totale contre les opposants. Dans ce cas, des générations seraient sacrifiées et le régime accélérerait son programme nucléaire, ce qui pourrait déclencher des frappes israéliennes préventives. Un scénario catastrophe. Pour l'empêcher, il faut soutenir le mouvement de désobéissance civile. Nous devons préparer dès aujourd'hui un processus de transition qui permette de faire basculer une partie du régime en faveur du changement, en leur assurant une amnistie et une place au sein d'un système politique laïque et démocratique.

Vous en parlez comme si ce changement était pour demain.
Mais le changement est là : savez-vous que la notion de laïcité est aujourd'hui plus discutée dans les mosquées de Qom qu'à Harvard ou Londres ?

L'Occident est-il trop prudent face au régime ?
Il est normal d'être prudent, mais le monde ne pourra laisser des millions d'Iraniens seuls sans réagir. C'est le message central que les opposants qui sont en Iran me demandent de passer ici. Je ne dis pas que l'Occident ne doit pas avoir de dialogue avec le pouvoir. Mais il doit être connecté avec l'opposition iranienne, si on veut sortir de l'impasse géopolitique dans laquelle l'Iran maintient la région. Le régime se fiche des sanctions. La seule chose qui l'inquiète, c'est que le peuple se révolte. Cette peur doit être utilisée comme levier de pression. Le président Obama a tendu la main à l'Iran mais le régime lui a répondu en organisant des manifestations où on crie «Mort à l'Amérique». Aujourd'hui, je me réjouis de constater qu'enfin, en Europe comme aux États-Unis, les responsables politiques prennent conscience de la vraie nature de ce régime et affichent leur soutien aux revendications démocratiques de mes concitoyens.